Amélie Mansfield

[Volume II, pp. 237 - 238]

LETTRE LXXIV



Ernest à Adolphe


29 Juin, huit heures du matin.

[p. 237] Je viens d'écrire à Amélie; je ne sais comment il m'a été possible de lui tracer quelques lignes dans l'agitation où je suis . . . . Voilà l'heure qui approche; je vais descendre; je m'arme autant que je le puis de sang-froid et de courage: combien ne m'en faudra-t-il pas pour entendre déchirer Amélie sans me plaindre, et résister aux larmes de ma mère sans m'émouvoir? Mais mon parti est pris; il n'est point d'ordre, de prières qui puissent me faire renoncer à celle que j'aime: si ma mère ne cède point à mes voeux, je lui désobéirai; et demain matin, soit que sa malédiction ou son consentement m'accompagnent, je serai sur la route de Suisse, et peu de jours après, l'époux [p. 238] d'Amélie . . . . Ce titre sacré, je le prendrai avec une joie pure! Pourquoi serait-elle troublée? en demandant le consentement de ma mère, n'ai-je pas rempli ce que je lui devais? si elle s'oppose à mon bonheur, dois-je être la victime de son féroce orgueil, de son insatiable haine: dois-je surtout leur sacrifier la femme angélique qui m'a nommé son époux? la vertu même n'aurait-elle pas horreur de ma soumission? et si c'est la vertu qui me conduit dans les bras d'Amélie, pourquoi ma conscience murmurerait-elle?

J'entends sonner l'heure . . . Ce soir, Adolphe, vous saurez l'issue de l'affreux combat que je vais soutenir: combien cet instant tardait à mon impatience! . . . . Ma mère me fait dire qu'elle est seule, que'elle m'attend . . . . Je descends.


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