Amélie Mansfield

[Volume III, pp. 252 - 253]

LETTRE CVIII [Continuation II]



Adolphe à Blanche


Vienne, 3 Novembre.

[p. 252] Je me suis retiré aussi; j'ai cherché à me rendre maître de mon affliction, afin de la supporter en homme: il ne m'a pas été possible; l'idée de ne plus revoir Ernest me jetait dans des accès de douleur que je ne pouvais vaincre, et j'errais comme un forcené qui, dans sa rage insensé, croit pouvoir lutter contre la main de fer du destin. Cependant, j'ai fini par me soumettre; mais j'ai juré sur les cendres de mon ami, que désormais mon coeur déchiré [p. 253] serait inaccessible à tous les sentimens doux et tendres qui ne servent qu'à affaiblir l'homme, en doublant, cette portion de douleur que le ciel l'a condamné à porter. Pour finir la tâche si douloureuse que vous m'avez imposée, Mademoiselle, il me reste encore à vous dire ce que j'ai appris hier.

Vers le milieu de la nuit qui a précédé le jour de mon arrivée, Albert était absorbé dans des pensées de mort; le médecin et les deux gardes accablés de fatigue, sommeillaient; Ernest était sous les rideaux; la lueur d'une lampe n'éclairait que faiblement une partie de la chambre; tout à coup un bruit sourd s'est fait entendre; chacun est accouru; on a apporté des lumières: Amélie ne vivait plus; son amant s'était jeté sur elle, l'embrassait étroitement, et serrait avec tant de force ce corps inanimé, qu'on n'a pu l'en détacher. Il est resté à peu près trois heures dans cette agonie; il a enfin été saisi d'un mouvement convulsif, a poussé un cri . . . c'était le dernier.


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